L’ALPES D’HUEZ, puissance 2013
Les puissances atteintes par les coureurs du Tour dans l’Alpes d’Huez sont loin des records. Certaines sont exceptionnelles et mérite qu’on s’y arrête.
Avant de vous livrer des estimations, je tiens à revenir sur la méthode de calcul, car une polémique existe au sujet de l’Alpes d’Huez. Dans son livre Frédéric Grappe, estime la puissance de Lance Armstrong dans l’Alpes d’Huez à 435 watt (74 kilo), soit 410-415 en valeur étalon 70 kilo. Pour un temps de 37’36 ». Il explique que cela représente 5.88 watt par kilo et qu’on flirte avec les limites du possible et qu’il est légitime de se poser des questions. (page 395 du Livre)
Pour moi, ou d’autre comme Antoine Vayer, cette estimation est largement sous estimée. D’ailleurs dans le magazine Tous Dopé paru en juin 2013, Vayer explique pourquoi il ne trouve pas le même score que son confrère.
Frédéric Grappe choisie un SCx de 0.35, là ou Antoine Vayer choisie 0.39 car Lance montait souvent en danseuse. Personnellement, je valide le coefficient 0.35, car Lance ne monte pas tous le temps en danseuse et effectue même la plupart de son effort assis en 2004. Puis Frédéric choisit un Cr (résistance au roulement) de 0.0025, ce qui est équivalent à un vélodrome de bonne qualité. Cette valeur est trop basse, 0.004 me semble plus adapté. Puis, dans son estimation du Poids Fred choisie 74 kilos + 7 kilos de vélo et matériel, c’est insuffisant, le vélo pèse au moins 6.8 kilo, les chaussures 700 à 800 g, la combinaison 200 à 300 g, et le bidon même à vide 150g et 650 à plein. Un poids de 8 à 8.5 kilos est plus adapté. Enfin, le dénivelé, Fred Grappe propose 990 de dénivelé. Or toutes les sources donnent entre 1070 et 1143 m de dénivelé pour 13.8 km.
J’avais pointé cette sous estimation sur le blog il y a quelques années en comparant avec la performance de Carlos Sastre.
Les estimations de Frédéric Grappe dans l’Alpes d’Huez me semble sous estimées. Il se sert beaucoup de cette estimation pour dresser le profil de puissance record de Lance, mais ce profil ne permet pas de gagner le Tour de France (PC 20 = 450 watt)*, je connais des cyclistes qui flirtent avec ce profil, mais qui sont a des années lumières de gagner le Tour de France. Il manque 20 à 30 watt à cette estimation de puissance.
Quid du Tour 2013. L’étape est particulière, car très dure, avec 2 montées de l’Alpes en 58 km dans le final de l’étape. Donc un gros chantier de plus de 4000 m de dénivelé positif en 172 km.
Le temps de Quintana dans la dernière montée est de 39’55 » ce qui le place dans les performances extraordinaires avec plus de 400 watt étalon (411 + ou – 5 watt). Pour validez le modèle mathématique, je m’appuis sur la puissance publié sur training peaks de David Lopez (SKY). On y découvre par exemple que la première montée fut à 360 watt pour Lopez, soit 365 watt en puissance étalon. Soit 30 watt de moins que l’estimation que j’ai pu voir sur le site le Grupetto ici. Je pense qu’il est important de se baser aussi sur des valeurs mesurées avec le SRM pour éviter les erreurs.
Le temps de Christophe Riblon est de 43’15 », soit une puissance étalon de 375 watt (+ ou – 5 watt). (390 watt sur le site Grupetto, je ne cautionne pas cette valeur qui me semble sur évaluée, même Antoine Vayer ne donne pas de telle puissance pour un temps de 43’15 »).
La performance de Riblon, semble très modeste, mais n’oublions pas qu’il a fait toute l’étape en échappé et les 58 derniers km seul ou de temps en temps avec Moser ou l’Américain de BMC. Sa première montée (12.3 km en un peu moins de 39′) est un peu plus intense autour de 384 watt (+ ou – 5 watt).
Bref, on ne peut pas suspecter Christophe Riblon sur ces bases là. Pour comparaison, lors de l’Etape du Tour cyclosportive 2011, les premiers amateurs montent entre 44 et 47 minutes. Il a fait un exploit ce jour là, j’ose y croire, juste pour le plaisir… mais gare aux peaux de banane, on en trouve parfois là ou on ne s’y attend pas.
La performance de Quintana est plus impressionnante. Surtout quand on sait que le jeune Colombien à fait l’impasse sur de nombreuses compétitions en mai juin, préférant se préparer chez lui en Colombie. J’ai du mal à imaginer les contrôleurs de l’UCI ou de l’AMA se déplacer jusque là pour un contrôle inopiné. Ne jetons pas la Pierre à Quintana s’il était pris dans la tourmente un jour, ne perdons pas de vue le niveau de vie en Colombie. Le cyclisme permet à ce jeune cycliste de quitter la misère de son pays en proie au trafic de drogues et autres horreurs. (salaire moyen 280 € contre 2300 € en France). Est ce que cela pourrait suffire à accepter moralement le dopage ? C’est probable. Ce qui est illégale au regard du code du sport peu devenir légitime au regard de la réalité de la vie pour certains athlètes venant des pays les plus écrasés par le poids monde occidentale.
Et Froome, il est nettement moins fort en cette fin de Tour de France, il monte l’Alpes d’Huez en 41’03 », soit une puissance de 395 watt (+ou- 5 watt). Ce qui est étonnant chez Froome, c’est qu’il ne se connait pas lui même, il attaque puis explose, et il va recommencer cela dans la dernière étape qui arrive à Semnoz. Il plante à 1.4 km de l’arrivée un démarrage de 5 m en danseuse, puis se rassoie, et tient encore 100 m puis s’écroule complètement concédant 30″ sur Quintana en un peu plus d’un km. On se croirait dans Astérix et Obélix quand la potion ne fait plus effet !!!! Froome, n’a pas les caractéristiques techniques et tactique d’un champion, il ne se connait pas bien, il a un pédalage et un style défiant toute la logique biomécanique décrite par Frédéric Grappe dans ces livres (pied bloqué et jamais en danseuse). A l’inverse Contador, est d’une roublardise étonnante, d’un panache qu’on ne peut lui enlever, il se bat jusqu’au bout, ose attaquer là ou c’est improbable, prend le risque de perdre, a un style de pédalage plus efficace, alternant avec aisance la position assise et en danseuse, le pied relâché. Mais voilà, il ne dispose plus des 440 watt sur 48′ lors de la montée du Tourmalet 2010, Andy Schleck non plus d’ailleurs. Ces 2 coureurs sont devenus prudents, moins surpuissant, on ne peut le nier.
Y a t’il des hypothèses à la baisse de puissance de Froome ? Oui,la fatigue, mais aussi le dopage avec EPO et autres méthodes sanguines sont compromissent avec le maillot jaune sur le dos. Il faut passer au contrôle anti dopage tous les jours, et quand on sait qu’un test urinaire peut détecter l’EPO injecter dans les 48 heures, il devient difficile d’utiliser cette méthode de dopage. Toujours est il qu’en cette fin de Tour Froome est nettement moins fort, et si le Tour durait encore une semaine, il pourrait perdre face à Quintana et Rodriguez dont j’avais évoqué l’entrée dans le top 3 lors de mon article sur le Mont Ventoux au regard du dernier km accompli à plus de 500 watt par ce grimpeur espagnol.
L’effet de la potion magique commence t’il à prendre fin au bout de 3 semaines ?
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Notes :
* PC 20 = Puissance Critique que le coureur peut tenir 20′, soit 420 watt selon Fred Grappe pourArmstrong.
Bien utile ce fichier SRM pour pouvoir s’approcher de la réalité le plus possible dans tes calculs!
Ce que tu dis sur Froome, moi ça me perturbe, on nous bassine de pédaler rond, de casser la cheville etc et lui ne fait rien de tout et pourtant il est en O’SYMETRIC, ces derniers ne lui permettent-ils pas justement de s’approcher d’un pédalage rond en thermes de Watts? Il à dit lui même dans l’Equipe que sa position ne va pas, qu’il regarde trop par terre, qu’il pédale mal, mais sans dec le jour ou il fera tout ça bien, il va être au dessus de tout! Et ta réflexion sur ses attaques « suicide » en fin de semaine sont absolument vrai, il ne se connait pas, connait-il seulement ses limites?
Ma question est simple, n’a-t-on pas à faire un mec avec un moteur extraordinaire, un entrainement acharné, un choix de matos minutieux et….autre chose comme un certain texan quoi…
Je vois là un coureur téléguidé, survitaminé.
On ne peut pas arriver à dominer les meilleurs athlètes du mondes avec de telles lacunes.
Froome n’est pas un individus hors normes, je pense que ces adversaires comme Contador n’ont pas grand à chose à gagner et bien plus à perdre en étant survitaminé. Sur un plan technico tactique et mentale, Contador est largement supérieur… mais cette année il roulait en 2 CV, alors que Froome roulait avec un V8 injection.
Le pédalier ovale, ne change rien aux principes biomécaniques, il faut remonter les pédales de toute façon, rond, ovale, patatoïde… faut faire remonter les pédales, et pour faire ça il faut un certain relachement de la cheville en remontant pour bien exploiter le segment fémoral et économiser un peu d’énergie sur les muscles antérieur de la jambe.
Tres bon article. Merci pour le travail formidable.
Un soupçon de cliché sur la Colombie (qui comme tout cliché contient eventuellement une part de vérité, mais bon…)
Faut que je fasse un petit voyage en Colombie pour voir ??? Parait que c’est très beau, et plein de vestiges archéologique.
Je me demande en fait si c’est bien de toujours ramener au profil etalon. Comment dire… pour Quintana par exemple 411 watt etalon c’est impossible ok. Mais il developpe en fait, vu son poids, un truc du style je sais pas moi on va dire 340W. Eh bien ces 340W sont peut-etre possibles pour un poids plume de 57kg alors que 411W seraient impossibles pour un 70 kg. Et inversement pour le gars plus lourd. Tu vois ce que je veux dire? Enfin bref, quoiqu’il en soit Froome monterait toujours le col de la croix morand a 29 de moyenne.
Ches les enfants, par exemple, on risquerait de faire de grosses erreurs si on les compare aux adultes en terme de puissance. Il ne leur faut que 30″ pour que l’oxygène arrive aux cellules musculaires, là ou l’adulte peut avoir besoin de 2 ou 3 minutes. C’est en partie la différence de taille qui semble modifier cette vitesse de mise en route aérobie.
Chez des adultes qui ont rarement plus de 10 kilos d’écart et dans un effort long, cela reste assez fiable d’utiliser le poids étalon. Sur un effort de 3′, on aurait peut être plus de mal à comparer un grimpeur de poche à un poids lourd comme Indurain.
désolé j’ai eu un petit problème, je recommence.
J’ai donc lu la chronique d’Antoine Vayer, qui dénonce à tout va les performances des coureurs et je trouve que ces résultats sont surévalués. Je pense que les puissances que tu trouve se rapproche plus de la réalité. Par exemple, pour la première ascension de l’aple Vayer trouve 395 watts pour le peloton maillot jaune et toi tu trouve 365 watts grâce au fichier de Lopez ce qui me semble plus cohérent. En effet en ayant vu l’étape, on observe que cette première ascension s’est faite à un rythme modéré.
Je souhaiterai donc connaître ton avis sur la crédibilité à accorder aux analyses de Vayer.
Je ferais un sujet la dessus ces jours ci.. si je trouve le temps.
Il y a effectivement des erreurs de surévaluation fréquente, mais pas systématique. Parfois, si on compare avec des puissances réelles Vayer donne des puissances très proches de celle mesurées.
Il y a derrière tout cela aussi un peu de politique je pense, car Antoine Vayer Milite pour investir l’UCI dans le mouvement Change cyclism.
Ouf, ce n’est pas mon cas… je reste indépendant et souhaite le rester.
Bonjour,
Les différences dans les Watts obtenus par différents paramétrages de la formule ne me paraissent pas importantes, puisque c’est la comparaison entre les performances des meilleurs de ce Tour de France et des cyclistes « étalon » qui est le fond du débat.
La véritable question est l’étendue de la variabilité du potentiel génétique nécessaire à la performance cycliste. Doit-on considérer que le maximum possible de l’être humain se situe à 10%, 20%, 40%, 60%, 80%… au-dessus des résultats obtenus par un bon cycliste amateur? Comment situer cette limite potentielle?
Un élément de réponse, c’est de regarder toutes les performances passés, de regarder celles dont ont sait qu’elle furent réalisée avec ou sans EPO. Bref, en comparant avant et après 1989 par exemple.
Le dopage avant 1989 ne permettait pas d’augmenter le potentiel aérobie de façon importante. On pouvait repousser l’endurance, améliorer la récupération, mais on n’augmentait pas la cylindrée du sportif (sauf transfusion sanguine qui existe à partir des années 70).
Le problème de toutes ces mesures même si on ne discute pas leur justesse, c’est de faire la différence entre une performance propre et une autre qui ne l’est pas. Je m’explique de façon plus précise.
Admettons un cycliste A qui grimpe l’Alpe d’Huez en 44′. On le considère comme propre et on peut essayer d’estimer son niveau aérobie. Prenons un autre cycliste B qui monte en 39′ et on considère toujours que sa performance est obtenu sans dopage. On obtient un potentiel aérobie nettement meilleur pour le second cycliste.
Maintenant, on dope notre cycliste A et par miracle, il grimpe en 39′. Deux perfs identiques et pourtant, l’une des 2 est entaché par le dopage. Comme quoi, il n’est pas simple d’établir la « propreté » d’une perf.
Pour en revenir à Armstrong, il était dopé, c’est établi. Seulement, on ne sait pas vraiment quelle est sa VO2 max de départ? Est ce que le dopage lui a permis de dépasser les limites de la physiologie humaine? Ou peut-on trouver des humains gâtés par la nature qui peuvent faire les mêmes perfs de façon naturelle?
Une autre chose me dérange dans votre article. D’un côté, on critique le Froome supersonique du Ventoux (dans les limites de la physiologie humaine d’après les divers spécialistes) et lorsque ce même coureur présente un visage humain, on pense tout de suite que le dopage ne fait plus effet. On peut aussi se dire que Froome est clean et que la fatigue a de l’effet sur lui d’où la baisse de performances en 3ème semaine.
Il ne fait pas bon être cycliste pro car les coureurs sont toujours suspects. Il exerce le sport où les contrôles sont sans doute les plus fréquents. J’espère qu’un jour, on leur laissera le bénéfice du doute.
Bonjour.
Oui, c’est une hypothèse… Froome semble finir le Tour moins fort… on ne peut pas écarter l’hypothèse de la potion magique qui ne fait plus effet. On n’a pas de preuve suffisante, mais l’hypothèse ne peut pas être écartée.
J’ai eu l’occasion d’accueillir des Kenyans, l’équipe cycliste du Kenya. Tous des anciens coureurs à pied capable de courir le 10 km entre 28 et 30′. Donc parmi les meilleurs du monde. Ces derniers se sont convertie au vélo il y a 2 ou 3 ans, mais pratiquait le vélo dans leur vie quotidienne de livreur de lait, de nois etc….. Certes ils ne sont pas au point techniquement, mais je connais leur niveau, y compris dans la montée CLM de l’Alpes d’Huez. Bien que doté de super VO2max, il ne parviennent pas à descendre sous les 43 minutes pour le moment.
Nous savons que tous les temps réalisé en moins de 40′ l’ont été par des cyclistes qui ne furent pas épargnés par la tentation du dopage sanguins.
Le temps de Lucho Herrera en 1984 : 41’50 ». Sur une étape moins dure, mais avec certes un vélo plus lourd de 2 kilos.
La comparaison entre la course pédestre et la course cycliste est très intéressante. Mais il ne faut pas croire que la supériorité pédestre des Africains leur vient d’une V02 max supérieure. Vincent Rousseau faisait 60’23 » au semi-marathon pour une VO2 max de 88 et Zersenay Tadese 58’23 » pour une VO2 max de 83 (mesurée à l’Université de Barcelone). Les dispositions pour la course des Africains de l’Est ne viennent pas de leur VO2 max mais bien d’une morphologie favorable. Cet avantage disparaît dès qu’ils montent en selle.
Le nouveau test EPO MAIIA repousse la fenêtre de détection jusqu’à sept jours, repère les EPO biosimilaires et les micro-doses. Voir l’article dans Sport & Vie n° 137.