Traversée de l’Auvergne, Flecha, on lève le capot

On peut analyser les puissances de Juan Antonio Flecha dans le Tour de France, sur l’étape de Super Besse. Ce coureur pèse 72 kilos d’après la fiche coureur fournit par le Tour. J’ai l’impression qu’il est plus lourd à vue d’oeil !

 

Bilan : 329 watt de puissance normalisée pendant 5 heures avec un pic de 4’45 » à  496 watt avant de décrocher de la roue de Vinokourov dans la montée de besse juste avant la cote de Super Besse.

Je suis bluffé par les effets spéciaux, on ne voit rien, mais si on décortique ces valeurs il y a de quoi se poser des questions.

496 watt pendant presque 5′ en fin d’étape, sous la flotte et le froid, l’entraineur de Trainings Peaks parle de puissances exceptionnelles de champion, mais j’ai peine à y croire.

Je m’explique : 496 watt pendant presque 5 minutes en fin de course, cela signfie que dans de bonne condition de fraicheur Flecha peu développer au moins 550 watt pour 72 kilo pendant 5′. Soit 7.63 watt / kg de PMA pour un VO2max estimé entre 94 et 98 ml/min/kg. De telle valeur n’ont jamais été mesurée en laboratoire chez des champions sans le recours à des produits comme l’EPO, la transfusion  sanguine.  Même chez les skieurs de fond légendaire réputé pour disposer de VO2max très haute du fait qu’il mobilise un grand nombre de muscle, cela n’existe pas.

 

Pour ceux qui me connaisse, je vais vous donner des comparaisons : sur un tel parcours je peux développer au plus 280 watt de puissance normalisée et dégager un pic de puissance 5′ dans le final
de 330 à 340 watt au mieux. Ce sont les meilleurs valeurs que j’ai pu attendre sur cette montée  lorsque je préparais Embrun avec  à la conclusion le 5ème temps vélo à 10 minutes de Marcel Zamora (188 km 3500 mD+). Je peux vous dire que Marcel serait ridicule sur le Tour, il ne terminerai peut être même pas dans les delais dès la première étape de montagne. . Quand à moi, je vous donne RDV le 18 juillet pour lire mon résumé d’étape, je pense me prendre au moins 1 heure dans les carreaux là ou Marcel ne me mettrait que 10 à 15 minutes.

 

Le lendemain, sur l’étape d’Issoire – St Flour, il y a pire. Flecha nous sort un 348 watt de puissance normalisée sur 5h43′ et 299 watt de puissance brute. Les coureur du peloton comme Chris Anker Sorensen et Markel Irizar ont sortie 240 et 267 watt brute. Je ne peux tenir qu’une heure au rythme moyen de Flecha, et encore à condition que les accélérations ne soit pas trop longues.

Irizar pèse à peu près le même poids que Flecha (73 contre 72 kg). Mais en restant au chaud dans le peloton il aura développé 267 watt contre 299 pour Flecha, soit 10% de moins sur cette étape de montagne. Mais surtout les coureurs qui sont resté dans le peloton vont monter les cotes et cols sur des intensités sous maximale. En effet, ils vont resté au chaud dans les roues, et subir le tempo des équipiers. Hors ce tempo est assez régulier et les coureurs peuvent aborder les cols en restant sur des intensités faciles dans la plaine. Et pourtant, le peloton va se morceler et à l’arrivée il n’y a pas grand monde dans le peloton. Quid du cyclisme à 2 vitesses ? Probablement.

Ensuite, Flecha nous sort un 446 watt pendant 20 minutes (6.19 watt/kg) dans la cote de Massiac. Il s’agit du premier col de la journée ce qui permet de développer un peu plus qu’en fin d’étape.  Je peux déjà vous dire à combien je vais monter moi le 17 juillet : 340 watt au mieux pendant 20 minutes.

 

Flecha termine pourtant l’étape avec une chute terrible en 5h43, mais Le trio de tête très largement emmener par Voekler réalise 5h27. Gloups, qu’elle aurait été le puissance moyenne de l’étape si Flecha n’était pas tombé. C’est absolument incroyable pour moi qui décortique des centaines de fichiers chaques années avec parfois des coureurs élites. Le fossé qui sépare un coureur comme Flecha avec des coureurs qui marche bien en 1ere catégorie élite est aussi important que le fossé entre un coureur élite et un 3ème catégorie.

 

Voekler, ce chouchou des Français. Il s’exprime bien, il fait preuve de réflexions intelligentes, d’un sens aigu de la course. Bref, il a tout pour plaire au public non averti et même expert. Un doute m’envahie quand je décortique le fichier de Flecha. Il est évident que Voekler est un peu plus fort.

Pour levez le doute, il me faudrait être certains du poids de Flecha pour relativiser ses puissances.

Antoine Vayer, ancien entraineur de l’équipe Festina considère qu’il y a dopage avéré lorsqu’un coureur développe 410 watt pour 70 kilos en fin d’étape dans un col d’une vingtaine de minute. Il raconte avoir vu des coureurs atteindre allègrement un VO2max 95 ml/min/kg.

 

Frédéric Grappe lui considère qu’il faut avoir une forte suspicion de dopage lorsque les valeurs sont comprise entre 6 watt/kg pour 20′ d’effort et 5.6 watt par kilo pour une heure d’effort. Bref, il place la barre un poil plus haut, il faudrait rouler à 420 watt pendant 20 minutes pour être   soupçonnée de dopage. (page 434 de son dernier livre).

 

Quand à moi, je crois que ces valeurs sont trop hautes dans les 2 cas sur des étapes comme celle que nous venons de voir en Auvergne. Bien sur si on a 120 bornes de plaine avant l’Alpes d’Huez, on peut monter assez vite, mais si on a un chantier, des conditions météo pas très bonne, 7 jours de courses dans les jambes, et si en plus on réalise l’effort en altitude au dessus de 1500 m, on doit revoir ces critères à la baisse.

 

Un garçon comme Damien Monnier à un record en cote test brute autour de 450 watt pendant 20 minutes pour un poids de 75 kilos. Soit une puissance brute de 6 watt/kg. C’est exactement la limite fixée par Frédéric Grappe dans sa réflexion. Il y a un détail important, c’est que ce test là est une valeur record réalisée sans préfatigue et sans avoir 7 jours de courses dans les jambes et dans la montée de la baraque (Clermont Ferrand et dont l’alltitude moyenne de la montée est en dessous de 1000 m).

 

Bref, je n’ai pas l’impression qu’on ait résolu le problème du Tour 1998. Il est vrai qu’on va moins vite que lors des années 1995 à 1998, mais quand même, c’est de la folie.Le fossé qui sépare les pros des amateur élite est énorme. (en encore en amateur élite, il y a des coureurs pas très clair aussi). Lorsque qu’un coureur à 22 ans elite espoir développe 380 watt dans un col, il n’y a aucune chance pour qu’il développe 430 watt à 30 ans. A 22 ans, tous les dés ne sont pas jetés, mais ce qui constitue le socle du niveau de puissance aérobie est presque figé. Il n’est possible de progresser qu’en jouant sur le rendement technique et bioénergétique, la capacité à terminer les étapes moins épuisée, la tactique, la récupération qui peut s’améliorer en cours de carrières etc… mais on ne prend pas 10 à 15 % de PMA entre le top niveau amateur et le top niveau professionnel.

De toute les images que j’ai vue, ce qui m’a le plus impressionné, c’est Jan Ullrich qui remporte en 1997 l’étape d’Andorre en terminant l’arrivée au sommet avec 250 km dans les jambes en montant à plus de 450 watt. Vayer parle de coureur mutant…. il n’a pas tord. Ullrich fait péter tous le monde au train dans le dernier col de la plus dure étape de montagne du Tour (252 km)

 

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2 replies on “Traversée de l’Auvergne, Flecha, on lève le capot”

  1. Excellente analyse !!!!!!!!!!!
    Bravo Quentin.
    Et je remet ma phrase favorite :
    « il y a longtemps que je ne me fais plus d’illusion sur le sport de haut niveau, quelque soit la discipline. »
    Merci pour toutes ces analyses.

    @+ Lolo

  2. Guénaël on

    Je suis ravi que tu évoques les effets de l’altitude, cet aspect n’est jamais évoqué par Vayer et Grappe alors que j’ai noté moi m^me chez moi une forte chute de puissance.

    Pour Voeckler je me suis fait la m^me réflexion. Mais que dire de Gilbert ! Il n’empêche que c’est un réel plaisir de le voir attaquer et de l’écouter en interview.